Girolamo Paciarotto (Jérôme Pacherot) était un maçon et scarpellino (tailleur de pierre) natif de Fiesole, qui suivit Charles VIII lors de son retour d’Italie en 1495. Formés dans le cercle florentin d’Andrea Ferrucci et de Benedetto et Giuliano da Maiano, il fit partie des artisans et artistes toscans qui ont œuvré au service du roi d’Aragon à Naples [Bardati, 2013]. À ses débuts en France, il travaillait pour le roi à Amboise et, à ce titre, il recevait 20 livres tournois par mois [Montaiglon, 1851, p. 109].
Anne de Bretagne, après son mariage avec Louis XII, décida de faire construire simultanément deux tombeaux, l’un destiné à l’église des Carmes de Nantes pour ses parents François II et Marguerite de Foix, et l’autre à l’abbatiale Saint-Martin de Tours pour les dauphins morts prématurément, Charles-Orland et Charles, enfants de son premier mariage avec le roi Charles VIII. À l’hiver 1499-1500, Jérôme Pacherot fut envoyé avec Guillaume de Beaune à Carrare et à Florence pour acheter les marbres destinés aux sépultures. On doit l’identifier avec l’un des « deux tailleurs de massonnerie entique italiens » (sculpteurs d’ornements à l’italienne) qui collaborèrent avec Michel Colombe pour la réalisation de ces grandes commandes. Il s’établit vers 1503 sur le pavé de la rue des Filles-Dieu [Giraudet, 1885, p. 315 ; Bardati, 2013, p. 219], à proximité de l’atelier du célèbre sculpteur.
Sur le tombeau des enfants royaux, Pacherot reprend le vocabulaire ornemental du Quattrocento florentin [Bardati, 2013, p. 215 et 219], avec des mascarons, des putti et de rinceaux végétaux habités d’êtres hybrides. Il recourt également à des citations formelles comme les pattes de lion phytomorphes (s’achevant par un motif végétal) qui rappellent celles qui portent le tombeau de Piero et Giovanni de’ Medici à l’église San Lorenzo de Florence (v. 1469-1472). Le traitement de ces motifs, délicat et raffiné, témoigne de l’agilité de son ciseau d’ornemaniste italien sur le marbre.
En 1508, Pacherot, qui résidait à nouveau à Amboise [Bardati, 2013, p. doc. 5.1], fut appelé au château de Gaillon, la résidence des archevêques de Rouen, où le cardinal Georges Ier d’Amboise avait entrepris d’importants travaux. Il se chargea du transport jusqu’à l’atelier de Colombe à Tours de la table de marbre qui devait servir de support au grand retable du Saint Georges terrassant le dragon destiné à la chapelle haute. Le Fiesolan en sculpta l’encadrement avec l’aide du Génois Bertrand Meynal et du maître maçon Jean Chersalle. Les pilastres latéraux sont ornés de candélabres à l’antique et l’entablement d’une frise associant des bucrânes et des figures féminines phytomorphes. Il reçut également un paiement pour un arc de triomphe auquel il travailla pendant quinze jours [Deville, p. 434] et pour la décoration d’une fontaine.
Le chantier gaillonnais rassemblait plusieurs artistes italiens, parmi lesquels Antoine Juste, résident à Tours, qui réalisa un collège apostolique en terre cuite pour la chapelle haute. Jérôme Pacherot entretenait des rapports étroits avec lui et avec ses deux frères, Jean et André Juste, qui étaient originaires, comme lui, de la campagne florentine. C’est probablement lui qui les incita à venir s’installer en Touraine lors de son passage en Toscane en 1500. En 1514, il apparaît comme témoin sur leur acte de naturalisation au côté d’un autre Florentin, le peintre Bartolomeo Guet. Par la suite, il collabora sans doute avec les Juste au tombeau de Louis XII et Anne de Bretagne (1516-1531, Basilique Saint-Denis) [Bardati, 2013, p. 224] dont une partie fut exécutée à Tours à partir de 1518. À cette époque, Pacherot habitait à nouveau dans la rue des Filles-Dieu où il avait acquis une maison avec son épouse en 1522.
Pacherot était un artiste polyvalent, capable de travailler la pierre mais également le métal. En effet, dans les lettres de naturalité des Juste, il porte le titre de canonnier du roi. Il fut notamment employé comme maçon par Charles VIII et François Ier [Bardati, 2013, doc. 7] mais les travaux pour ces souverains demeurent inconnus. En revanche, on sait qu’il participa aux travaux de nivellement de la Cisse entrepris en 1511 par la municipalité d’Amboise [Tours 1500, p. 196].
Collaborateur de Michel Colombe et proche des frères Justes, Jérôme Pacherot évolua dans le cercle des artistes qui participèrent aux commandes emblématiques de la première Renaissance française. Il travailla pour deux rois, une reine et pour le cardinal George d’Amboise, l’un des commanditaires les plus influents du début du XVIe siècle. Il contribua à introduire le langage ornemental florentin dans la sculpture française.
Bibliographie
Bardati Flaminia, Mozzati Tommaso, « Jérôme Pacherot et Antoine Juste : artistes italiens à la cour de France », dans Studiolo, 9, 2013, p. 209-254.
Chancel-Bardelot Béatrice de, « Jérôme Pacherot », dans Chancel-Bardelot Béatrice de, Charron Pascale, Girault Pierre-Gilles, Guillouët Jean-Marie (dir.), Tours 1500. Capitale des arts, catalogue d’exposition au musée des Beaux-Arts de Tours du 17 mars au 17 juin 2012, Paris, Somogy, 2012, p 195-196.
Deville Achille, « Comptes de dépenses de la construction du château de Gaillon », dans Collection de documents inédits sur l’histoire de France, troisième série, Paris, 1850.